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La grande contralto polonaise Ewa Podles est morte

Ceux qui l’ont entendue sur scène ne l’ont pas oubliée et ne l’oublieront pas. Ewa Podles donnait à la musique une intensité si particulière qu’elle saisissait à la gorge, une voix puissante, riche et sombre, aux accents presque sauvages, aux reflets incandescents, aux vibrations telluriques. La contralto polonaise est morte le 19 janvier à l’âge de 71 ans, a annoncé la chaîne d’information polonaise TVN24.
Dotée d’une étendue exceptionnelle de trois octaves, des abysses graves aux aigus vertigineux, cette voix « force de la nature » avait pour garde-fou une technique solide, rompue aux souples vocalises rossiniennes. Elle restera dans des rôles-clés du bel canto et de la musique baroque (Rossini, Haendel, Vivaldi, Gluck) mais aussi Donizetti, Verdi, Puccini, Saint-Saëns, Wagner, Richard Strauss, sans oublier les répertoires russe (Tchaïkovski, Moussorgski, Chostakovitch) et polonais (Chopin, Szymanowski, Penderecki).
Ewa Podles naît le 26 avril 1952 à Varsovie dans une famille musicienne – sa mère est également contralto. Elle aura toujours pour exemple cette sœur aînée dont la carrière lyrique a été brisée par les mauvais conseils de ses professeurs, et se fera un devoir de rester maîtresse de ses choix. Dès l’enfance, elle incarne des petits rôles comme l’enfant dans Madame Butterfly, de Puccini, au côté de celle qui sera son mentor à l’Académie de musique Frédéric-Chopin de Varsovie, la soprano Alina Bolechowska, avec qui elle entretiendra des liens quasi filiaux.
En 1975, elle fait ses débuts à Varsovie dans le rôle de Rosine du Barbier de Séville, de Rossini. Avant de s’illustrer dans des opéras du répertoire baroque. C’est dans le rare Rinaldo, de Haendel, qu’elle se produira pour la première fois au Metropolitan Opera de New York en 1984 (second cast), se lancera ensuite à la conquête de Paris l’année suivante (Théâtre du Châtelet) et sera portée en triomphe au Théâtre des Champs-Elysées, en 1999, au côté de l’Almirena de Cecilia Bartoli, qui doit partager avec elle la vedette.
Il faut dire que le fort tempérament de la dame ne passe pas inaperçu. Ewa Podles en impose naturellement, au point qu’elle réussira en dernière partie de carrière, l’endurance s’étant faite moins longue, la tessiture moins étendue, à rester au premier plan fût-ce dans les seconds rôles. On se souvient de son impayable marâtre Madame de la Haltière dans la Cendrillon de Massenet, montée en 2011 à l’Opéra-Comique, et, plus avant, de sa marquise de Berkenfield dans La Fille du régiment, de Donizetti (rodée à La Scala de Milan en 1996), dont témoigne un DVD paru chez TDK en 2003. Mais c’est aussi en vraie tragédienne qu’elle incarne la comtesse de La Dame de pique, de Tchaïkovski, ou Ulrica dans Un Ballo in Maschera, de Verdi.
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